Le jugement relatif à l’accomplissement de la prière [funéraire] dans la mosquée ou dans le cimetière

Sheikh Ferkous

Question : Quel est le statut du fait d’accomplir la prière [funéraire] en faveur du défunt dans la mosquée ou dans le cimetière ?

Et que peut-on répondre à ceux qui justifient la permission de cela par le hadith qui raconte que le prophète a accompli la salat sur la femme noire dans le cimetière ?

Réponse : La Louange est à Allâh , le souverain des mondes, que les éloges d’Allâh et son salut soient pour celui qu’il a envoyé comme miséricorde pour les créatures, ainsi que sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au jour de la rétribution. Cela dit :

Ce qui prédomine dans la façon de faire du Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم concernant la salat sur le mort est de l’accomplir en dehors de la mosquée, dans un endroit prédisposé à cet effet, connu comme Mousalla Al-Djanâ’iz (le lieu des salat mortuaires, NDT), qui était collé au côté est de sa mosquée du Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم.

Ceci est affirmé par plusieurs hadiths authentiques et il est évident que sa façon de faire est la meilleure. Pour autant, cela n’empêche pas qu’il est légiféré d’accomplir la prière [funéraire] en faveur du défunt à l’intérieur de la mosquée.

En effet, Mouslim a rapporté que ‘Â’icha a dit : « Je jure par Allâh que le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم a fait la salat [funéraire] à l’intérieur de la mosquée sur les deux fils de Baydâ’ : Souhayl et son frère [et ce hadith comporte une histoire] »(1).

Quant à la version disant : « Celui qui fait la prière [funéraire] en faveur du défunt dans la mosquée n’aura rien [de plus] »(2), elle ne contredit pas ce qu’a dit ‘Â’icha : en effet, ce hadith renie une récompense [supplémentaire] spécifique à l’accomplissement de la prière [funéraire] en faveur du défunt dans la mosquée, et non pas à la récompense de la prière [funéraire] de façon absolue.

De ce fait, le hadith de ‘Â’icha رضي الله عنها prouve qu’il est permis d’accomplir la prière [funéraire] en faveur du défunt dans la mosquée et le mieux est qu’elle soit accomplie en dehors de la mosquée, dans le Mousalla [destiné au prière [funéraire]], comme nous l’avons vu. Parmi les arguments renforçant cette permission, notons le fait que ‘Oumar ibn Al-Khattâbرضي الله عنه a fait la salat sur Aboû Bakrرضي الله عنه dans la mosquée, de même que Souhayb رضي الله عنه l’a faite sur ‘Oumarرضي الله عنه dans la mosquée.

Quant au cimetière, il n’est pas un endroit où l’on peut faire la salat et il est interdit de faire la salat à l’intérieur de celui-ci ou dans sa direction, car des hadiths l’interdisent.

Parmi ces hadiths : le hadith d’Aboû Sa‘îd Al-Khoudrî selon qui le Prophète a dit : « Toute la terre est une mosquée, sauf le cimetière et le hammam »(3); le hadith de Anasرضي الله عنه selon qui le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم « a interdit de faire la salat au milieu des tombes »(4) ; le hadith d’Aboû Marthad Al-Ghanawî رضي الله عنه qui dit : « J’ai entendu le Messager d’Allâh dire : “ Ne faîtes pas la salat en direction des tombes et ne vous asseyez pas dessus” »(5); le hadith d’Abou Hourayraرضي الله عنه qui a dit : le Messager d’Allâh a dit: « Ne faîtes pas de vos maisons des cimetières et le démon fuit d’une maison où l’on récite la sourate d’Al-Baqara [la Vache]. »(6)

L’aspect général de ces textes englobe la prière [funéraire] en faveur du défunt qui est par ailleurs clairement interdite dans les cimetières dans le hadith de Anasرضي الله عنه selon qui « le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم a interdit que l’on accomplisse la salat en faveur des défunts au milieu des tombes »(7).

L’aspect général de l’interdiction contenue dans ces hadiths englobe toute catégorie de salat, qu’elle soit obligatoire : recommandée ou rattrapée ; soit surérogatoire : absolue ou conditionnée, de même qu’elle englobe la prière en faveur du défunt, qu’elle soit faite sur son corps ou lorsqu’il est enterré dans sa tombe.

Cependant, il a été un rapporté un hadith d’Ibn ‘Abbâsرضي الله عنهما qui a dit : « Un homme que le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم avait l’habitude de visiter est mort et les gens l’ont enterré la nuit. Au matin, ils en ont informé le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم qui leur a dit : “Qu’est-ce qui vous a empêchés de m’en informer” ? Ils ont dit : “C’était la nuit et il faisait sombre et nous ne voulions pas te susciter la gêne”.

Il s’est donc rendu à sa tombe et a fait la salat sur lui. »(8) Il est rapporté la même chose à propos de la femme noire qui ramassait les bouts de tissu et de bois pour les sortir de la mosquée, hadith authentique rapporté par Abou Hourayra(10)رضي الله عنه .

Vues ces preuves, faire la salat sur le mort alors qu’il est dans sa tombe est donc une exception faite à l’interdiction de faire la salat dans un cimetière. Le caractère général de l’interdiction reste vraie pour toute salat, y compris celle du mort.

C’est-à-dire que l’interdiction, vu son aspect général, concerne tous les cas autres que le cas de figure excepté. En regroupant ainsi entre les preuves de sorte à les accorder, la problématique disparaît, l’incompréhension se dissipe et on aura mis en pratique chaque preuve à la place qui est la sienne, conformément à la règle : “la mise en pratique [d’une preuve] passe avant le délaissement”.

Et le savoir est auprès d’Allâh, nous concluons en disant : la louange est à Allâh, le souverain des mondes, qu’Allâh honore et salue notre Prophète Mouhammad, sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au jour de la rétribution.

Alger, le 23 de Mouharram 1427 H,
correspondant au 22 février 2006 G.

Source : Tiré du site de Sheikh Ferkous

(1) Rapporté par Mouslim (973), d’après ‘Â’icha رضي الله عنها.
(2) Rapporté par Aboû Dâwoûd (3191), Ibn Mâdjah (1517), d’après Aboû Hourayra رضي الله عنه. Al-Albânî l’a qualifié de sahîh (authentique) dans As-Silsila As-Sahîha (2351), il dit – qu’Allah lui fasse miséricorde – [dans As-Silsila As-Sahîha (5/462)] : « Aboû Dâwoûd s’est isolé d’eux tous dans sa version qui dit : “Il n’a rien à se reprocher.” »
(3) Rapporté par Aboû Dâwoûd (492), At-Tirmidhi (317), Ibn Mâdjah (745), d’après Aboû Sa‘îd Al-Khoudrî رضي الله عنه. Al-Albâni l’a qualifié de Sahîh dans Al-Irwâ’ (1/320).
(4) Rapporté par Ibn Hibbân (2318), d’après Anas رضي الله عنه. Al-Albâni l’a qualifié de sahîh (authentique) dans Ahkâm Al-Djanâ’iz (p. 270).
(5) Rapporté par Mouslim (972), d’après Aboû Marthad Al-Ghanawî رضي الله عنه.
(6) Rapporté par Mouslim (780), d’après Aboû Hourayra رضي الله عنه.
(7) Rapporté par At-Tabarânî dans Al-Mou‘djam Al-Awsat (5631) d’après Anas رضي الله عنه. Qualifié haşane (bon) par Al-Haythamî dans Madjma‘ Az-Zawâ’id (3/144) et sahîh (authentique) par Al-Albâni dans Ahkâm Al-Djanâ’iz (270) et dans Sahîh Al-Djâmi‘ (12790).
(8) Rapporté par Al-Boukhâri (1247), d’après Ibn ‘Abbâs رضي الله عنهما.
(9) Rapporté par Mouslim (954), d’après Ibn ‘Abbâs رضي الله عنهما.
(10) Rapporté par : Al-Boukhâri (460) et Mouslim (2259), d’après Aboû Hourayra رضي الله عنه.

0 Shares:
Vous aimerez aussi ces articles :