Sheikh Ferkous
Question : La louange est à Allâh, le Seigneur des mondes, que les éloges d’Allâh et son salut soient pour le plus noble des Messagers ; notre cher cheikh, As-Salam Alaykoum Wa Rahmatoullâh Wa Barakatouh. Je vous prie de m’excuser, notre noble cheikh – qu’Allâh prenne soin de vous – de prendre de votre temps, afin que vous répondiez à ma question et régliez mon problème, qui est le suivant :
Mon frère est employé dans une société qui repose sur des bases qui sont en contradiction avec la religion, puisqu’il est un inspecteur des impôts. Il n’est pas marié et habite avec nous à la maison et comme il participe aux achats de la maison, je ressens de la gêne à manger ou à utiliser ce qu’il apporte.
Ce n’est pas lui qui se charge des dépenses, c’est notre père, mais mon frère l’aide dans presque tout. M’est-il interdit de profiter de ce qu’il apporte à la maison ou non ? Parfois, ce que l’on mange provient à la fois de l’argent licite, c’est-à-dire l’argent de mon père et de l’argent de mon frère, dont je ne peux pas dire qu’il est illicite, car le sens de ce mot pèse à la famille et ils ne l’acceptent pas.
En effet, mon frère a interrogé un imam du quartier, qui lui a autorisé de travailler pour cette société, sachant qu’il considère que cet homme est apte à répondre aux questions, parce qu’il est imam, dirige les gens en prière, connaît le Coran par cœur et a du savoir. De mon côté, je ne le considère pas de la sorte, car il connaît juste le Coran et ne détient pas – à ma connaissance – les bases [de la science] nécessaires et ne remplit pas les conditions pour être Moujtahid (apte à extraire un jugement religieux).
J’ai même entendu à son sujet des choses qui font que je ne lui fais pas confiance, comme le fait qu’il écrit des talismans, qu’il pratique la Rouqya (l’exorcisme légal) d’une façon non conforme à la religion, puisqu’il demande à savoir le nom de la mère du patient et d’autres choses.
À partir de là, considère-t-on que le péché repose sur celui qui lui a répondu et que son argent est licite et tout le monde peut en profiter, ou est-ce qu’il reste illicite en ce qui me concerne, vu que le verdict ne provient pas de quelqu’un qui est apte à répondre.
Aussi, mon frère interroge sur le fait que, parfois, il aide les propriétaires des magasins à faire baisser le montant des taxes et, la plupart du temps, ils le remercient pour cela par des cadeaux et en lui donnant certaines marchandises présentes dans ces magasins. Quel est le statut de ce qu’il fait pour les aider ?
Quel est le statut de ces cadeaux, sachant que selon la fatwa de l’imam cité précédemment, ils sont licites tant qu’il n’en a pas fait la demande. Veuillez nous répondre, notre cheikh, qu’Allâh vous protège.
NB : même si je n’ai pas réussi à convaincre mon frère que la société est en contradiction avec la religion, il commence à douter de la question. C’est pourquoi il essaie désormais de se lancer dans le commerce, mais il n’a pas eu de succès, peut-être à cause de cet argent illicite. Je vous demande donc, notre cheikh, d’invoquer Allâh pour qu’il lui donne le succès, sans oublier l’auteur de la question.
Réponse : Louange à Allâh, Maître des Mondes ; et paix et salut sur celui qu’Allâh a envoyé comme miséricorde pour le monde entier, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection. Cela dit :
En ce qui concerne celui qui occupe un travail dont les bases sont en contradiction avec la religion: s’il a obtenu l’argent par un moyen interdit et qu’il pense que ce moyen est valable, en se basant sur le verdict d’un individu qu’il considère apte à répondre et vis-à-vis de qui son cœur est serein, alors il possède ce qu’il a obtenu parce qu’il a emprunté le chemin souhaité, indiqué par le verset:
﴿فاسألوا أهل الذكر إن كنتم لا تعلمون﴾ [النحل:43]
Sens du verset :
﴾Demandez donc aux gens du rappel, si vous ne savez pas﴿ [s. An-Nahl (les Abeilles) : v. 43]
Et par le hadith : « Pourquoi n’ont-ils pas demandé, s’ils ne savaient pas ? Le remède de l’ignorance, en effet, est de demander.»(1)
Si le péché repose sur quelqu’un, ce n’est que sur celui qui lui a répondu sans référence ni base religieuse ou qui n’est pas apte à extraite un jugement religieux et à l’émission de verdicts religieux.
Quand celui qui répond aux questions (le Mouftî) et remplit les conditions requises à l’émission des verdicts (les fatwas), il est récompensé, qu’il émette une réponse correcte ou qu’il se trompe, comme le montre le hadith rapporté, de façon marfou‘, par l’intermédiaire de ‘Amr ibn Al-‘Âs : « Quant à celui qui fait un effort de réflexion et a raison, il a deux récompenses et quand il fait un effort et se trompe, il a une seule récompense. »(2)
Aussi, l’individu du commun n’a pas d’opinion et il peut choisir entre les savants dans les cas où il n’a pas accès à celui qui a le plus de savoir et de scrupule. Si, par la suite, il prend connaissance du caractère illicite, il se doit de s’en débarrasser et de le rendre à l’ayant droit si le bien en question est toujours présent, ou d’en rendre l’équivalent si le bien n’est plus présent.
S’il ne connaît pas la personne à qui revient le bien, il le donne aux intérêts publics, sinon il le donne en aumône aux pauvres et aux nécessiteux. Allâh عزّ وجلّ dit en effet :
﴿و ذروا ما بقي من الربا إن كنتم مؤمنين﴾ [البقرة:278]
Sens du verset :
﴾Et délaissez ce qui reste de l’usure, si vous êtes croyants﴿ [s. Al-Baqara (la Vache) : v. 278], et il عزّ وجلّ dit également :
﴿فمن جاءه موعظة من ربه فانتهى فله ما سلف﴾ [البقرة:275]
Sens du verset :
﴾Celui, donc, à qui vient une exhortation de la part de son Seigneur, et arrête, aura ce qui est passé.﴿ [s. Al-Baqara (la Vache) : v. 275]
D’après Aboû Hourayra رضي الله عنه, le Prophète صلى الله عليه وسلم a dit : « Certes, Allâh est bon et n’accepte que ce qui est bon » ; Allâh a ordonné aux croyants ce qu’il a ordonné aux messagers, il عزّ وجلّ dit :
﴿يَا أَيُّهَا الرُّسُلُ كُلُوا مِنَ الطَّيِّبَاتِ وَاعْمَلُوا صَالِحًا﴾[المؤمنون: 51]
Sens du verset :
﴾Ô, vous, les messagers, mangez de bonnes choses et faîtes de bonnes œuvres﴿ [s. Al-Mou‘minoûn (les Croyants) : v. 51] et il عزّ وجلّ dit :
﴿يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا كُلُوا مِنْ طَيِّبَاتِ مَا رَزَقْنَاكُمْ وَاشْكُرُوا للهِ إِنْ كُنْتُمْ إِيَّاهُ تَعْبُدُونَ﴾[البقرة: 172]
Sens du verset :
﴾Ô, vous qui croyez, mangez des bonnes choses que nous vous avons octroyées et soyez reconnaissants envers Allâh, si c’est lui que vous adorez﴿
[s. Al-Baqara (la Vache) : v. 172]
Ensuite le Prophète صلى الله عليه وسلم a parlé d’un homme qui fait un long voyage, les cheveux hirsutes et plein de poussières, qui lève ses mains au ciel et dit : « Ô Seigneur ! Ô, Seigneur ! Mais ce qu’il mange est illicite, ce qu’il boit est illicite, ses vêtements sont illicites et il a été nourri d’illicite, comment pourrait-il donc se voir exaucé !»(3)
Aussi, les cadeaux et les dons acquis par les biais de son poste sont illicites et sont du vol, car le Prophète صلى الله عليه وسلم a dit : « Celui que nous employons pour une tâche et à qui nous donnons une rémunération, ce qu’il prend au-delà de cela est de la trahison. »(4) Il صلى الله عليه وسلم dit également : « Allâh n’accepte pas une salat sans purification, ni une aumône issu de ce qui est volé. »(5)
Il صلى الله عليه وسلم a dit également dans un hadith : « Celui qui intercède pour son frère, puis reçoit de sa part un cadeau pour cela, aura commis une des plus grandes sortes d’usure. »(6)
Quant à l’auteur de la question, qui vit à la charge de ses parents : si l’illicite qui est mélangé au licite, sans que l’on puisse les distinguer, est en moins quantité que le licite, alors il est permis, car ce qui est moindre suit ce qui est en plus grand nombre.
S’il s’en abstient par scrupule, et bien ce scrupule s’oppose au scrupule dont il doit faire preuve quant à la satisfaction de ses parents et ce dernier est plus important que le premier, sans compter le fait que son corps a besoin de cette nourriture.
Si, au contraire, l’illicite est en plus grande quantité, les biens sont illicites, car ce qui est en plus grande quantité prend la place du tout.
Et Ibn Al-Djawzî l’a affirmé de façon catégorique dans [son ouvrage] Al-Minhâdj, en se basant sur la règle disant que “ce qui est en plus grande quantité prend la place du tout”. En effet, la majeure partie d’une chose prend la place de la totalité, comme l’a établi al Zarakchî dans ses “règles”.
À partir de là, il ne doit pas manger avec ses parents, même s’ils se mettent en colère. Il ne doit pas se conformer à eux dans l’illicite pur, il doit plutôt leur interdire, car on ne doit pas obéir à la créature en désobéissant au créateur. Aussi, s’il considère qu’il n’a d’autre moyen de préserver son corps que d’en manger, qu’il en mange en petite quantité et n’en profite que selon son besoin, conformément à la règle disant : la contrainte doit être évaluée à sa juste mesure. Ce qui dépasse cela relève donc de la transgression.
Le savoir parfait appartient à Allâh, et notre dernière invocation est qu’Allah, Seigneur des Mondes, soit loué et que prière et salut soient sur notre Prophète, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection.
Source: Tiré du site de Sheikh Ferkous
(1) Rapporté par Aboû Dâwoûd (336), Ad-Dâraqoutnî (744) et Al-Bayhaqî (1115), d’après Djâbir رضي الله عنه ; jugé haşane (bon) par Al-Albânî dans Tamâme Al- Minna (p. 131) et Sahîh Sounane Abî Dâwoûd (336).
(2) Rapporté par Al-Boukhârî, d’après ‘Amr ibn Al-‘Âs رضي الله عنه.
(3) Rapporté par Mouslim, d’après Aboû Hourayra رضي الله عنه.
(4) Rapporté par Aboû Dâwoûd, d’après Bouraydaرضي الله عنها ; jugé sahih (authentique) par Al-Albânî dans Sahih Al-Djâmi‘ (5899) et Sahih At-Targhîb Wa At-Tarhîb (779).
(5) Rapporté par Mouslim, At-Tirmidhi et Ibn Mâdjah, d’après ‘Abd Allâh ibn ‘Oumar رضي الله عنهما.
(6) Rapporté par Aboû Dâwoûd, d’après Aboû Oumâma ; jugé haşane (bon) par Al-Albânî dans As-Silsila As-Sahîha (3465).