Sheikh Ferkous
Question : Nous souhaitons de notre vertueux cheikh Aboû ‘Abd Al Mou‘izz – qu’Allâh le protège et le préserve, lui donne longue vie et savoir bénéfique – de nous donner un fondement normatif des compétitions en général, de nous détailler la problématique de cette question largement répandue, notamment pendant la saison estivale. Cette question est : « les tournois sportifs » dont voici les points de détails :
Ce tournoi est organisé entre les mosquées. Chaque mosquée prépare son équipe à elle. Tout homme bienfaiteur participe avec une somme d’argent, en mesure de ses capacités. Puis on amasse les sommes d’argents [réunies] pour acheter des épîtres de jurisprudence [islamique] ou de Tawhîd (Unicité d’Allâh) et les donner au commun des gens.
Ou on les réunit pour les répartir aux pauvres gens et aux nécessiteux, ou les verser pour construire les mosquées et les salles de prières, et autres actions caritatives.
Nous souhaitons de votre éminence l’explication de cette affaire et nous vous serons reconnaissants, si Allâh le permet.
Réponse : La Louange est à Allâh, Seigneur des mondes. Prière et salut sur celui qu’Allâh a envoyé en miséricorde pour l’univers, ainsi que sur sa famille, ses compagnons et ses frères jusqu’au Jour de la Rétribution. Cela dit :
Il est possible de régulariser l’ensemble des compétitions par une norme religieuse qui se montre de la manière suivante : toute compétition est illicite si elle recèle une interdiction propre à elle, ou qui relève de ses caractéristiques ou de ses conditions, ou si elle écarte d’une obligation religieuse telle la salât ou le rappel, ou si elle occupe tout le temps de sorte à ce qu’elle empêche [d’accomplir] les responsabilités de la vie, ou qu’elle donne certainement des résultats néfastes ou une véritable nuisance [qui touche] l’individu ou la communauté, tel le chauvinisme, provoquer les discordes et alimenter les haines, les rancunes et les divisions, ou que [ces compétitions] se basent sur le principe de la chance et du hasard comme les dés et autres jeux semblables. Dans ce genre de compétitions, il est unanimement interdit de lui accorder des récompenses.
Dans le cas où ces [compétitions] ne recèlent pas ces caractéristiques, et si elles se basent sur la réalisation des objectifs religieux et légaux dans les conquêtes, et l’intérêt qu’elles apportent dans le Djihâd (combat légal) dans le sentier d’Allâh, ces compétitions deviennent souhaitables, recommandées et agrées auprès d’Allâh – qu’Il soit Très-Haut –. Il est également souhaitable de lui accorder des récompenses.
Si ces compétitions sont dénuées des objectifs religieux précités, et n’ont comme but que la bonne constitution du corps pour le préparer et le fortifier, améliorer la circulation du sang et développer les muscles par les exercices [sportifs] afin d’éliminer les longues affections et les maladies chroniques. Ce genre de compétitions est inclus sous la règle qui stipule : les choses et les êtres profitables sont fondamentalement permis et autorisés, ces compétitions ne contredisent pas les fondements de la Charia qui ordonnent de préparer physiquement la force du corps. Mais le fait de lui accorder des récompenses n’est pas permis par la religion.
La preuve stipulant qu’il est illégal d’accorder des récompenses sur ce genre de compétitions est [le hadith] rapporté par les quatre [imams] et Ahmad d’après d’Aboû Hourayra رضي الله عنه le Messager d’Allâh a dit : « Aucun gain de compétition [Sabaqa] n’est permis sauf pour la lance, la course de chevaux et de chameaux. »(1)
Et même si ce hadith est rapporté Sabqa [changeant ainsi le sens] : « Aucune compétition… », La version maintenue est Sabaqa, signifiant l’indemnisation ou la rémunération ou le pari. Et la version Sabqa – même si elle est acceptée – elle aura le sens de nier la plénitude et la perfection. C’est-à-dire : les compétitions les plus profitables et les plus avantageuses sont seulement les trois [cités dans le hadith].
Le sens apparent de ce hadith indique que les compétitions sont légiférées et que les récompenses sont uniquement réservées aux choses citées dans ce même hadith, car elles constituent un excellent sport qui engage à acquérir les objectifs religieux précédemment expliqués. [Toute compétition] outre celles [citées dans le hadith] est niée par la religion, soit avec le sens de la restriction ou avec le caractère d’illicéité qui constitue le fondement des biens.
Ce faisant, on ne peut surpasser le jugement de l’interdiction, ni invalider le sens de la restriction relaté dans le hadith, que par l’existence d’une preuve transférante ou d’une analogie admissible dans lesquels apparaissent lesdits objectifs religieux, afin que la compensation et la récompense soient valides.
Parmi [les preuves] permettant de surpasser le caractère d’illicéité établi à la base, suite à un Texte qui nous en transfère, [nous citons] le combat du Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم mené contre Roukâna ibn ‘Abd Yazîd رضي الله عنه, avant qu’il n’eut embrassé l’islam, avec un mouton en guise de récompense. Le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم l’eut battu ; puis il revint et le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم l’abattit aussi. [Roukâna] se convertit à l’islam et [le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم] lui remit le butin(2). [La chaine de narration] de ce hadith jugée correcte par Ibn Al-Qayyim et l’a jugée bonne par Al-Albânî(3).
Ce hadith spécifie ainsi le caractère général de l’interdiction relative au don par dédommagement, en usant des conditions et des restrictions précitées.
Sont attachées également à ce jugement les compétitions scientifiques de mémorisation du noble Coran et de l’honorable hadith prophétique et son explication, de la connaissance des jugements de la loi islamique, de la biographie prophétique et autre que cela parmi les sciences bénéfiques qui développent les capacités scientifiques, élargissent leur cercle, insufflent dans l’esprit l’amour de la connaissance et de l’apprentissage et encouragent la concurrence dans le bien et la bienveillance [envers les autres].
La preuve à cela est ce qu’a rapporté At-Tirmidhî, affirmant qu’Aboû Bakr lança un pari aux mécréants mecquois que les Romains vaincront les Perses, et chacune des deux parties ont donné à l’autre un récompense(4). Cet événement est arrivé à l’époque du Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم sans qu’il le condamne.
Cet événement était largement connu de sorte à ce qu’il n’échappe pas au Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم. Son approbation constitue une preuve de la licéité [du pari engagé par Aboû Bakr]. Sachant que les Romains ont vaincu les Perses lors de la sixième année de l’hégire ou après, et aucune preuve n’est établie pour l’abroger.
D’un autre côté, la religion est instituée sur la preuve et le combat [légal], et si le pari est permis sur l’ensemble des moyens du combat, il l’est à plus forte raison dans la science. C’est l’avis adopté par l’école hanafite(5), par Ibn Taymiyya(6) et agréé par Ibn Al-Qayyim(7) – Qu’Allâh leur fasse miséricorde –.
Parmi les analogies susceptibles d’être liées aux trois cas précités dans le hadith qui font figure d’exception, permettant de lui accorder des récompenses, [figure] : la compétition de marche et de course à pieds. An-Nawawî et Ibn Al-Qayyim ont relaté que la compétition qui se fait pédestrement et sans récompense(8) est permise. L’unanimité [des savants] à propos de cette question s’appuie sur le récit du Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم avec sa femme ‘Â’icha رضي الله عنها. Lors d’un voyage, ils avaient fait une course à pieds, et [‘Â’icha] le vainquit.
Quand celle-ci avait pris du poids, ils ont refait la course, et le Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم la vainquit et dit : « Cette course compense la précédente. »(9) L’imam Mouslim rapporta que Salama ibn Al-Akwa‘ رضي الله عنه avait fait une course avec un homme parmi les Ansâr (les Auxiliaires) en présence du Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم lors de la journée de la bataille de Dhi-Qaradh(10).
Les récompenses accordées lors des compétitions [de course] à pied sont jugées permises selon l’avis le plus correct [des savants]. Car elles sont un sport et un entrainement pour le corps à acquérir une souplesse dans les mouvements, une rapidité et un dynamisme qu’on exige lors des conquêtes. On fait aussi recours [à ces compétitions de course] pour atteindre les objectifs religieux.
Elles ne sont d’ailleurs pas différentes des courses de chevaux dans les combats de cavaliers, inclus dans la Parole du Très-Haut :
﴿وَأَعِدُّواْ لَهُم مَّا ٱسۡتَطَعۡتُم مِّن قُوَّةٖ﴾ [الأنفال: 60]
﴾ Et préparez [pour lutter] contre eux tout ce que vous pouvez comme force… ﴿ [s. Al-Anfâl (le Butin) : v. 60]
Az-Zouhrî رحمه الله a dit : « Ils se faisaient des compétitions sur les chevaux et les montures, et à pieds »(11). Le jugement autorisant les récompenses est adopté par les hanafites(12), par certains chafiites(13) et constitue aussi un avis adopté par Ibn Taymiyya(14), qu’Allâh leur fasse miséricorde.
Ce faisant, le hadith cité pour interdire les récompenses, ne doit pas être interprété dans le sens de négation absolue. Les trois cas relatés textuellement dans ce hadith ne font pas figure d’exception, malgré qu’il (le hadith) présente une forme d’exception.
Ce qu’on entend par ce hadith est une affirmation du concept qui dit : ce qui mérite le plus d’être récompensé est les trois choses citées, car leur intérêt est global et leur avantage est parfait.
En effet, s’il est bien établi qu’il n’est pas permis d’accorder des récompenses lors des compétitions qui ne sont pas indiquées par le Texte, ou qui ne sont pas [incluses] dans le sens du Texte, telles que, d’une façon générale, les tournois de football, où il est interdit d’accorder des récompenses.
Comme si l’une des deux parties, suite à sa victoire, gagne une somme d’argent ou quelque chose ou un pourcentage qui le (c’est-à-dire le vainqueur) distinguera du vaincu. Que cette récompense soit donnée par l’organisateur ou par une personne étrangère aux compétiteurs ou par l’un d’eux ou par eux tous, en donnant une partie de cette récompense.
Tout cela [est fait] dans le cas où l’argent est posée comme condition au compétiteur pour sa compétition. Il est la récompense placée comme gage pour la compétition.
Or, si cette dernière n’est pas hypothéquée par de l’argent, étant plutôt visée pour elle-même d’une façon particulière, et l’utiliser ensuite comme moyen pour accumuler de l’argent par les dons, et ce pour aider et s’entraider, cherchant la rétribution d’Allâh – qu’Il soit Très-Haut –.
Si l’appel aux dons est dénué des pratiques déloyales des gens qui utilisent ces compétitions comme un moyen de propagande religieuse comme c’est le cas de certains partis politiques et de certaines sectes, et si l’on considéré la question d’un point de vue objectif et scientifique, sous cette forme il est considéré comme un contrat basé sur la bienfaisance qui diffère au contrat de compétition et de récompense.
Car les dons et les faveurs se différencient à plusieurs niveaux du contrat de compétition. Du point de vue de l’intention, celle du compétiteur ou du parieur est fondée sur l’effort à réaliser les gains matériels et temporels, à acquérir la suprématie et l’arracher par la domination, de sorte que lui-même soit vainqueur et ses adversaires vaincus.
Contrairement au donateur ou au bienfaiteur dont l’objectif est d’aider les gens, de leur être utile et de les assister à réaliser leurs besoins, cherchant par-là, la rétribution dans l’au-delà.
D’un autre côté, la vérité de la donation est qu’elle n’est pas fondée sur une œuvre faite par autrui.
Et si elle aurait été ainsi, elle sortira du fait qu’elle soit une donation pour devenir un contrat de compensation. Cette différence apparait clairement dans la dénomination et le jugement. Car le nom de la compétition, du pari, du risque et de la récompense est autre que celui de la faveur, de la donation et de l’aumône. Chacun d’eux a des jugements différents et opposés à l’autre.
S’appuyant sur ce qu’a été dit précédemment, le cas mentionné dans la question n’est pas inclus dans le jugement du contrat de compétition, mais dans celui des donations, en prenant ces compétitions – qui sont permises à la base – comme moyen pour faire des aumônes et aider les gens. La vérité de la donation consiste à ce que l’homme donne son argent à autrui en vue de l’aider, sans lui demander pour autant une compensation ; cela étant considéré comme parmi les contrats basés sur la bienfaisance. Tout ce qui est inclus sous son jugement, il est à la base permis et autorisé.
La vérité de la compétition qui consiste à donner de l’argent en contrepartie d’une œuvre ou d’un intérêt est plus proche des contrats de dédommagent que les autres. Cela fait qu’ils se différencient.
Établir le jugement qui rend [ces compétitions] licites, ne doit pas être entravé par ce qui contredit les préceptes de la religion, que nous avons préalablement mentionnés ; n’en parlons pas du fait de dévoiler les parties à cacher (‘Awra), de négliger les heures de la salât, de nourrir la discorde et les sentiments de haine et l’échange des paroles obscènes entre vainqueurs et vaincus.
À vrai dire, je vous conseille de ne pas multiplier ces tournois sportifs, vu les précédentes considérations, car [ces compétitions] :
– Ces compétitions nous fait perdre un temps précieux consommé dans autre chose que la raison pour laquelle il est créé.
– Ce genre de compétitions conduit inévitablement à commettre, soit actuellement ou ultérieurement, une chose illicite ou détestée dont nous avons fait signe précédemment dans la norme des compétitions.
– Le caractère dominant des tournois sportifs actuels est qu’ils sont source de chauvinisme et d’esprit de clan.
Il incombe au Musulman de se préoccuper des éminentes affaires, et s’efforcer à réaliser ce qui est utile dans sa vie-présente et dans l’au-delà.
Cela étant dit, la science parfaite est auprès d’Allâh تعالى. Et notre dernière invocation est : « Louange à Allâh, le Seigneur des mondes ». Et qu’Allâh prie sur notre Prophète Mouhammad, sur sa famille, ses compagnons et ses frères jusqu’au Jour de la Rétribution, et qu’Il les salue.
Alger, le 21 de Safar 1419 H,
correspondant au 16 juin 1998 G.
Source : Tiré du site de Sheikh Ferkous
(1) Rapporté par Aboû Dâwoûd (2574), At-Tirmidhî (1700), An-Nişâ’î (3586), Ibn Mâdjah (2878) d’après le hadith d’Aboû Hourayra رضي الله عنه. Ce hadith est jugé sahîh (authentique) par Ahmad Châkir dans son authentification du Mousnad d’Ahmad (13/232), par Al-Albânî Al-Irwâ’ (1506) et par Al-Wâdi‘î dans As-Sahîh Al-Mousnad (1408).
(2) Rapporté par : Al-Boukhârî dans At-Târîkh Al-Kabîr (1/1/82), Abou Dâwoûd (4078), At-Tirmidhî (1784) et Al-Hâkim (5903), d’après Aboû Dja‘far ibn Mouhammad ibn ‘Alî ibn Roukâna selon son père.
(3) Al-Fouroûsiyya d’Ibn Al-Qayyim (202) et Irwâ’ Al-Ghalîl d’Al-Albânî (1503).
(4) Rapporté par At-Tirmidhî (3193) d’après le hadith d’Ibn ‘Abbâs رضي الله عنهما et jugé sahîh (authentique) par Al-Albânî dans Sahîh A-Tirmidhî.
(5) Cf. : Tabyîn Al-Haqâ’iq d’az-Zayla‘î (6/228), Hachiyate Ibn ‘Âbidîne (6/403).
(6) Al-Ikhriyarât Al-Fiqhiyya d’Ibn Taymiyya d’Al-Ba‘lî (160).
(7) Al-Fouroûşiyya d’Ibn Al-Qayyim (97).
(8) Cf. : Charh Mouslim d’An-Nawawî (12/183), Al-Fouroûşiyya d’Ibn Al-Qayyim (97).
(9) Rapporté par Aboû Dâwoûd (2578) d’après le hadith de ‘Â’icha رضي الله عنها et ce hadith est jugé sahîh (authentique) par Al-Albânî dans Al-Irwâ’ (1502).
(10) Rapporté par Mouslim (1807) d’après le hadith de Salama Ibn Al-Akwa‘ رضي الله عنه.
(11) Mousanaf Ibn Abî Chayba (33556).
(12) Badâ’i‘ As-Sanâ’i‘ d’Al-Kaşânî (8/3878), Hâchiyat Ibn Al-‘Âbidîne (6/402).
(13) Al-Madjmoû‘ Charh Al-Mouhadhdhb d’An-Nawawî (14/27) (14/30).
(14) Al-Ikhtiyârât d’Ibn Taymiyya (160).
(15) Rapporté par : Al-Boukhârî (2178) et Mouslim (1596), d’après Ouşâma ibn Yazîd رضي الله عنه.