Sheikh Mohammad Ali Ferkous
La question : Quel est le jugement concernant la nage pour le jeûneur au mois de Ramadan ?
La réponse : Louange à Allah, Maître des Mondes; et paix et salut sur celui qu’Allah عزّ وجلّ a envoyé en miséricorde pour le monde entier, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection. Ceci dit :
La nage en elle-même n’est pas comprise parmi les choses qui rompent le jeûne ; elle est, plutôt, comprise parmi les formes générales de la purification pour le jeûneur ; que celui-ci prenne une douche ou se baigne dans un bassin ou dans une piscine ou autres, et même si son intention n’était que pour se rafraîchir. El-Boukhâri –رحمه الله- a consacré un chapitre dans son « Sahîh » sous un titre général : « Chapitre concernant la purification du jeûneur » comprenant, ainsi, les purifications recommandées, obligatoires et autorisées(1). Et ce qui prouve ce dernier genre de purification est le principe autorisant, ainsi que les textes attribués aux Compagnons رضي الله عنهم, tels que celui d’Anas Ibn Mâlik رضي الله عنه qui a dit : « Je possède un Abzane ; et lorsque je trouve qu’il fait chaud j’y entre [pour me baigner] alors que je fais le jeûne »(2), Ibn Hadjar a dit : « El-Abzane : est un bloc de pierre creusé [au milieu] ressemblant à un bassin. En effet, le mot Abzane est un mot perse ; et c’est pour cela qu’il l’a prononcé sans déclinaison. On suppose qu’El-Abzane était plein d’eau et quand Anas رضي الله عنه prenait chaud, il y entrait pour se rafraîchir »(3).
La nage garde le même jugement et reste autorisée si on assure que les lieux où on la pratique soient loin de tous les actes blâmables qui l’accompagnent généralement ; tels que la nudité, le dévoilement des `Awrat(4) et le fait de regarder les choses interdites ; sinon la nage sera interdite, non pas pour une raison en elle, mais à cause de ces actes interdits qui l’accompagnent.
Par ailleurs, si la personne fait de la nage un métier par lequel elle gagne sa vie tel que le plongeur ; que ce soit pour réparer les bateaux par la soudure ou pour une autre tâche, et son travail correspond au jeûne du mois de Ramadan ; dans ce cas, cette personne doit faire attention à ce que l’eau n’entre pas dans son ventre ; toutefois, si l’eau lui entre dans le gosier, par la voie buccale ou nasale, sans abus de sa part et sans qu’elle ait l’intention de le faire, son jeûne, dans ce cas, est valable sans aucune détestation.
Néanmoins, si la nage ou la plongée ne sont pratiquées que pour le divertissement, le rafraîchissement, le sport, le jeu et l’amusement, sans qu’il n’y ait aucun besoin de les pratiquer comme un travail ou un gagne-pain, ou pour sauver quelqu’un ou autres ; on distingue alors entre deux cas :
Le cas du nageur qui est connaisseur et ne craint pas que l’eau lui entre dans le gosier, de manière qu’il garantisse que son jeûne ne se rompt pas ; pour celui-ci, il est permis de nager, tel qu’il est mentionné dans l’explication susdite. L’autre cas est celui du nageur qui craint qu’en nageant, l’eau lui entrerait dans le gosier, pour celui-ci, il est interdit de nager, conformément à ce que le Prophète صلّى الله عليه وآله وسلّم a dit à Laqît Ibn Sabira رضي الله عنه: « …et exagère dans l’inhalation (lors des ablutions) sauf quand tu jeûnes »(5).
Au demeurant, dans les deux cas : c’est-à-dire la personne qui craint que l’eau lui entre dans le gosier et celle qui ne craint pas, s’il arrive que l’eau leur entre dans le ventre sans que l’une d’elles le veuille ou le fasse volontairement ; leur jeûne, dans ce cas, est correct, mais accompagné d’un acte détestable ; et ce, contrairement à l’avis adopté par la majorité des Ulémas qui voit que le jeûne, dans ce cas, n’est pas valable et que la personne doit le refaire.
En effet, un tel jeûne est considéré valable parce qu’il est semblable à celui qui jeûne et lui entre, involontairement, dans le ventre la poussière de la route ou la criblure de la farine, ou une mouche volante lui entre dans le gosier. Ainsi, son cas diffère de celui qui rompt le jeûne volontairement(6).
Quant au jugement de détestation qui lui est attribué ; celui-ci se rapporte aux motifs de la nage au jour de Ramadan, qui ne sont, certes, ni un besoin ni une nécessité. Pour ce, il est détesté pour lui de nager par crainte que l’eau lui entre dans le gosier. El-Hassane et Ech-Cha`bi ont détesté que la personne se plonge dans l’eau de peur que l’eau lui entre dans les oreilles (7) ; et pour que la personne ne soit pas sujette à une divergence d’opinions entre les Ulémas par rapport à cette question ; surtout si la nage est pratiquée pour des fins inutiles, telles que l’amusement et le jeu sans qu’elle soit un besoin ou une nécessité.
Ayant dit ceci, nous soulignons que le jeûneur doit profiter du mois de Ramadan en s’adonnant à la pratique des adorations et des actes d’obéissance qui le rapprochent d’Allahعزّ وجلّ, et en cessant de commettre tout acte blâmable et interdit.
En outre, le jeûneur doit veiller à accomplir ce qui lui est bénéfique dans le monde d’ici-bas et dans l’au-delà, en s’appliquant à exploiter son temps dans ce qu’Allah عزّ وجلّ aime et agrée, et à se garder de l’amusement, du jeu et de ce qui est inutile et va à l’encontre de sa dignité et son honneur ; et à se garder de bien d’autres actes dont le délaissement est préférable dans le mois de Ramadan comme dans les autres mois, étant donné qu’ils font perdre à la personne un temps précieux de sa vie dans des choses pour lesquelles elle n’a pas été créée.
Le savoir parfait appartient à Allah عزّ وجلّ, et notre dernière invocation est qu’Allah, Seigneur des Mondes, soit Loué et que paix et salut soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection.
Alger le 07 Cha`bane 1431 H
Correspondant au 19 juillet 2010 G
Source : Ferkous.com
([1]) Voir « Fath El-Bâri » d’Ibn Hadjar (4/153).
([2]) Rapporté par El-Boukhâri sans mentionner sa chaîne de transmission, chapitre du « Jeûne » (1/461) concernant le bain pour le jeûneur.Ibn Hadjar a dit dans : « Fath El-Bâri » (4/154) : « Qâssim Ibn Thâbit a mentionné sa chaîne de transmission dans son œuvre « Gharîb El-Hadîth » ».
([3]) Voir « Fath El-Bâri » d’Ibn Hadjar (4/154).
([4]) Les parties du corps qu’il ne faut pas découvrir devant les autres. Note du traducteur.
([5]) Rapporté par Abou Dâwoûd, chapitre de « La purification » (hadith 142) concernant le fait de priser de l’eau et le rejeter, et par Et-Tirmidhi, chapitre du « Jeûne » (hadith 788) concernant ce qui est rapporté à propos de la détestation d’exagérer en aspirant l’eau pour le jeûneur. Ce hadith est jugé authentique par El-Albâni dans « El-Irwâ’ » (4/85).
([6]) Voir : « El-Moughni » d’Ibn Qoudâma (3/108,109) et « El-Madjmoû` » d’En-Nawawi (6/326).
([7]) Voir : « El-Moughni » d’Ibn Qoudâma (3/109).