Sheikh Mohammad Ali Ferkous
Question : Est-ce qu’il est permis d’accomplir le jeûne surérogatoire avant de rattraper les jours obligatoires non jeûnés du mois de ramadan ? Qu’Allah vous rétribue du bien.
Réponse : Louange à Allah, Maître des Mondes; et paix et salut sur celui qu’Allah a envoyé en miséricorde pour le monde entier, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection. Ceci dit :
Il n’y a point de divergence (entre les ulémas) que le rattrapage des jours du ramadan est devancé à l’accomplissement du jeûne surérogatoire, étant donné que l’acte obligatoire est d’une forte importance et occupe un rang meilleur que l’acte surérogatoire, et vu que les actes obligatoires et les devoirs sont les actes d’adoration qu’Allah عزّ وجلّ aime le plus. Allah عزّ وجلّ dit dans le hadith sacré : « Les actes que j’aime le plus et par lesquels Mon serviteur se rapproche de Moi, sont certes ceux que je lui ai prescrits »(1). D’une autre part, l’obligation de rattraper les jours du mois de ramadan avant le jeûne surérogatoire s’affirme davantage si la personne (sommée accomplir les obligations de la charia) craint le manque de santé, la faiblesse ou un espace de temps étroit pour l’accomplir, car elle commettra un péché si elle retarde la compensation des jours non jeûnés à un temps où l’on se trouve incapable de le faire ; parce que, dans ce cas, l’obligation dont le temps n’est pas limité est devenue une obligation à temps restreint, alors la personne doit accomplir, sur le champ, l’acte dont elle est chargée, faute de quoi elle serait en état de délaissement de ce qui lui est ordonné de faire. De toute façon, il faut se hâter à accomplir l’acte d’obéissance en avançant la compensation des jours prescrits (non jeûnés), conformément à ce qu’Allah a dit dans le verset :
﴿فَاسْتَبِقُوا الْخَيْرَاتِ إِلَى اللَّهِ مَرْجِعُكُمْ جَمِيعًا فَيُنَبِّئُكُمْ بِمَا كُنْتُمْ فِيهِ تَخْتَلِفُونَ ﴾ [المائدة :48].
« Concurrencez donc dans les bonnes œuvres. C’est vers Allah qu’est votre retour à tous ; alors Il vous informera de ce quoi vous divergiez » [El-Mâ’ida (La Table Servie): 48].
Ainsi que dans le verset :
﴿وَسَارِعُوا إِلَى مَغْفِرَةٍ مِنْ رَبِّكُمْ وَجَنَّةٍ عَرْضُهَا السَّمَاوَاتُ وَالْأَرْضُ أُعِدَّتْ لِلْمُتَّقِينَ﴾[آل عمران: 133].
« Et concourez au pardon de votre Seigneur, et à un Jardin (paradis) large comme les cieux et la terre, préparé pour les pieux » [ÂL-Imrân (La Famille d’Imrane): 133].
De plus, le hadith rapporté au sujet du bienfait de jeûner les six jours du mois de Chewwêl, prouve explicitement que la personne n’obtiendra pas la récompense équivalente au jeûne d’une année complète, qu’à condition qu’elle jeûne le mois de ramadan puis l’accompagne de six jours du mois de Chewwêl ; le dit hadith déclare: « Celui qui jeûne le mois de ramadan, puis l’accompagne (du jeûne) de six jours du mois de Chewwêl, serait comme s’il avait accompli le jeûne de toute l’année»(2). Sur ce, le fait de jeûner six jours du mois de Chewwêl avant de rattraper les jours du mois de ramadan implique que le jeûneur n’a pas achevé le jeûne du mois de ramadan ; et oppose, en conséquence, ce que le hadith signifie. Pour ce, il est recommandé d’avancer le jeûne ultérieur (des jours non jeûnés) du mois de ramadan, puis l’accompagner (du jeûne) de six jours du mois de Chewwêl, afin de réaliser ce qu’a annoncé le hadith explicitement et en vue d’obtenir la récompense qui équivaut au jeûne de toute l’année.
En effet, J’ai mentionné que cet acte est recommandé au lieu d’être obligé, car le jugement est probablement émis à l’intention de la majorité des jeûneurs ; et étant donné que cette majorité, que la charia a incité à accomplir le jeûne surérogatoire (les six jours du mois de Chewwêl), fait le jeûne de tout le mois de ramadan (dans son temps prescrit), ce qui renforce la probabilité que l’expression citée dans le hadith du Prophète صلّى الله عليه وآلِه وسلّم: «… puis l’accompagne (du jeûne) de six jours du mois de Chewwêl …» est une expression désignée par le cas le plus fréquent et ne comporte pas un sens contraire. Ce qui consolide de plus cette probabilité, le hadith rapporté par Thawbâne que le Prophète صلّى الله عليه وآلِه وسلّم a dit : « Celui qui a jeûné le mois de ramadan, alors un mois est égale au jeûne de dix mois, et le jeûne de six jours après El-Fitr (le jour de l’Aïd après le ramadan) complète le jeûne (pour atteindre) le nombre d’une année complète »(3). Le sens explicite de ce hadith indique que le jeûne du mois de ramadan est équivalent au jeûne de dix mois étant donné que le bienfait est rendu dix fois autant en récompense, de même que pour les six jours de Chewwêl ; et dans les deux cas, la récompense équivalente (au jeûne) d’une année complète sera accordée, que le rattrapage des jours non jeûnés soit avant ou après le jeûne surérogatoire.
Au demeurant, si cette probabilité se confirme et est claire – sans tenir compte que l’obligation a la priorité sur la surérogation – on conclut alors qu’il est permis de jeûner les six jours du mois de Chewwêl avant de rattraper les jours du mois de ramadan, notamment pour celui qui ne trouve pas un espace de temps suffisant au cours du mois de Chewwêl pour jeûner les six jours recommandés en raison du rattrapage des jours non jeûnés.
Quant à tous les autres jours du jeûne surérogatoire, à l’instar du jour de `Arafa, du jour de `Achoûra’, de El-Ayyâm El-Bîd (13,14 et 15ème jour de chaque mois et ainsi de suite …, il est permis de jeûner les jours surérogatoires avant de rattraper les jours non jeûnés du mois de ramadan selon l’avis le plus valable des ulémas, et c’est la même opinion adoptée par El-Ahnâf et Ech-Châfi`iyya et l’un des avis de l’Imam Ahmed, surtout qu’il n’y a aucune preuve de la charia empêchant cela ; toutefois, il y a parmi les textes coraniques ce qui dénote que le temps affecté pour le rattrapage des jours non jeûnés du mois de ramadan est illimité ; Allah عزّ وجلّ dit :
﴿فَعِدَّةٌ مِنْ أَيَّامٍ أُخَرَ﴾[البقرة: 184].
«…devra jeûner un nombre égal d’autre jours» [El-Baqara (La Vache): 184].
Le verset marque la permission de différer le rattrapage des jours non jeûnés du mois de ramadan sans restriction et sans exiger de se hâter à l’accomplir dès que c’est possible. Le caractère illimité du temps au cours duquel le rattrapage des jours non jeûnés de ramadan s’accomplit est l’opinion qu’adopte la quasi-totalité des ulémas prédécesseurs et successeurs; comme l’indique aussi le consentement du Prophète صلّى الله عليه وآلِه وسلّم pour l’acte d’Aïcha رضي الله عنها qui a dit: « Il m’arrivait de devoir rattraper des jours non jeûnés du mois de ramadan et je ne pouvais le faire qu’au mois de Cha`bâne»(4). Ibn Hadjar a dit : « Le hadith démontre qu’il est permis de retarder le rattrapage des jours non jeûnés du mois de ramadan d’une façon absolue, ayant une excuse ou non, car, comme nous l’avons déjà noté, l’ajout est inséré(5) ; et s’il n’était pas Marfoû` (Propos, acte ou approbation attribué au Prophète صلّى الله عليه وآلِه وسلّم), la permission alors aurait été restreinte par le besoin, étant donné que ce hadith a le statut du hadith élevé et que le Prophète صلّى الله عليه وآلِه وسلّم, selon ce qu’il paraît, était au courant de cet état de fait, et même ses épouses avaient le motif pour lui poser la question afin d’élucider ce point de la charia, et si cela n’était pas permis, Aïcha رضي الله عنها ne l’aurait pas fait constamment »(6).
Je dis : le rattrapage des jours non jeûnés du mois de ramadan lui était permis, mais il est nul doute qu’elle رضي الله عنها veille à ne pas manquer l’acquisition des bienfaits du jeûne surérogatoire au cours de l’année ; comme le cas de la Omra qu’elle voulait faire instamment, quand elle a éprouvé du chagrin vu que les autres épouses (du Prophète صلّى الله عليه وآلِه وسلّم) ont accompli un pèlerinage indépendant de la Omra, contrairement à elle qui a accompli une Omra incluse dans son pèlerinage. Le Prophète صلّى الله عليه وآلِه وسلّم, par la suite, a ordonné son frère de l’accompagner pour qu’elle fasse la Omra en partant de Tan`îm, afin de la soulager(7). Du côté plausible, concernant l’obligation dont le temps est prolongé ; s’il est permis d’avancer l’accomplissement de l’acte surérogatoire qui a la même forme de l’acte obligatoire, à l’instar d’accomplir Er-Rawâtib (les prières surérogatoires) avant les prières obligatoires. Alors, il est prioritairement permis de le faire concernant l’obligation dont le temps est illimité, comme c’est le cas du rattrapage des jours non jeûnés du mois de ramadan.
Le savoir parfait appartient à Allah سبحانه وتعالى, et notre dernière invocation est qu’Allah, Seigneur des Mondes, soit Loué et que prière et salut soient sur notre Prophète, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection.
Alger, le 12 Chewwêl 1428 H
Correspondant au 15 octobre 2007 G
Source : Ferkous.com
(1) Rapporté par El-Boukhâri dans le chapitre de « L’adoucissement des cœurs », concernant la modestie (hadith 6137), par Ibn Hibbâne dans son « Sahîh » (hadith 347), par l’intermédiaire d’Abou Houraïra رضي الله عنه; et rapporté par Ahmed dans son « Mousnad » (hadith 25794), par l’intermédiaire d’Aïcha رضي الله عنها.
(2) Rapporté par Mouslim dans le chapitre du « jeûne », concernant la recommandation du jeûne de six jours du mois de Chewwêl juste après le mois de ramadan (hadith 2758), par Et-Tirmidhî dans le chapitre du « jeûne », concernant ce qui est rapporté au sujet du jeûne de six jours du mois de Chewwêl (hadith 759), par Abd Er-Rezzâq dans « El-Moussannaf » (hadith 7918) et par El-Beïhaqi dans « Es-Sounane El-Koubrâ » (hadith 8516), par l’intermédiaire d’Abou Ayyoûb El-Ansâri رضي الله عنه.
(3) Rapporté par Ahmed dans son « Mousnad » (hadith 21906), par l’intermédiaire de Thawbâne رضي الله عنه. Le hadith est jugé authentique par El-Albâni dans « Sahîh Et-Targhîb » (hadith 1007).
(4) Rapporté par El-Boukhâri dans le chapitre du « jeûne », concernant quand est-ce qu’on rattrape les jours non jeûnés du mois de ramadan (hadith 1849), par Mouslim dans le chapitre du « jeûne », concernant le rattrapage des jours du mois de ramadan au mois de Cha`bâne (hadith 2687), par Ibn Khouzayma dans son « Sahîh » (hadith 2046) et par El-Beïhaqi dans « Es-Sounane El-Koubra » (hadith 8302), par l’intermédiaire d’Aïcha رضي الله عنها.
(5) Il signifie par là, la version où il est rapporté qu’elle (Aïcha رضي الله عنها) avait retardé le rattrapage des jours non jeûnés du mois de ramadan jusqu’au mois de Cha`bâne, vu qu’elle était occupée de servir le Prophète صلّى الله عليه وآلِه وسلّم.
(6) « Feth El-Bâri » d’Ibn Hadjar (4/191).
(7) « Zâd El-Me`âd » d’Ibn El-Qayyim (2/94). Voir la fatwa numéro (712) (le jugement concernant la répétition de la Omra).