Sheikh Mohammad Ali Ferkous
Question : Est-il permis à mon épouse de voyager seule, sachant que la durée du vol ne dépassera pas trois heures et qu’elle ne sera hébergée que par sa famille ?
Réponse : Louange à Allâh, Seigneur des Mondes ; prière et salut soient pour celui qu’Il a envoyé en miséricorde pour le monde entier, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Rétribution. Cela dit : Plusieurs hadiths authentiques et attestés ont été rapportés en ce qui concerne le voyage de la femme, parmi lesquels :
– Le hadith rapporté par Al-Boukhâri d’après Ibn ‘Abbâs رضي اللهُ عنهما, et dans lequel le Prophète صلَّى اللهُ عليه وآله وسَلَّم dit : «Que la femme ne voyage qu’avec un Mahram(1) et que nul homme n’entre chez elle sans qu’elle ne soit avec un Mahram». Un homme dit alors : «Ô Messager d’Allah ! Je voudrais sortir dans telle et telle expédition et ma femme veut accomplir le pèlerinage.» Le Prophète صلَّى اللهُ عليه وآله وسَلَّم lui dit : « Pars avec elle. »(2)
– Également, Mouslim a rapporté d’après Aboû Sa‘îd Al-Khoudrî que le Prophèteصلى اللهُ عليه وآله وسَلَّم « a interdit qu’une femme voyage pour une distance de deux jours de marche sans qu’elle ne soit accompagnée de son époux ou d’un Mahram. »(3)
– Et d’après Aboû Hourayra, le Prophète صلَّى اللهُ عليه وآله وسَلَّم dit : « Il n’est pas permis à une femme qui croit en Allâh et au Jour Dernier de voyager la distance d’un jour et d’une nuit sans être accompagnée d’un Mahram. »(4)
Le principe qu’on établit à partir de ces hadiths est que la femme ne doit pas voyager seule(5), mais elle doit être accompagnée par son époux ou par un Mahram. Ce jugement ne fait l’objet d’aucune divergence, puisque ces deux catégories d’individus sont concernées par les hadiths en question de façon formelle et catégorique. La divergence existe seulement par rapport au fait d’étendre ce jugement à d’autres catégories qui sont semblables dans le sens aux deux catégories susmentionnées ; le sens que l’on peut déduire du fait que les hadiths concernent l’époux et le Mahram est la compagnie assurée. Cela signifie que le jugement qui découle de ces hadiths dépend soit du fait de s’attacher aux termes des hadiths ou à leur sens. Celui qui s’attache aux termes du hadith, son jugement se limitera à l’époux et au Mahram, et celui qui prend en considération le sens, étend le domaine du jugement.
L’opinion la plus valable des opinions, à mon avis, est que le fait de s’attacher au sens, dans cette question, est plus fort. Le jugement peut, donc, s’étendre à d’autres individus autres que l’époux et le Mahram, parmi ceux avec lesquels la sécurité sera affirmée. En effet, le voyage est englobé dans le domaine des jugements relatifs aux actes habituels, à la base desquels le principe consiste à considérer le sens et l’objectif des textes. De même que le voyage de la femme sans Mahram n’a fait l’objet d’interdiction que dans le but de barrer la voie menant à commettre l’acte interdit ; et «Ce qui est interdit dans le but de barrer la voie [à l’interdit] est autorisé en cas de besoin».
Aussi, considérer le sens est-il confirmé par ce qu’a rapporté Al-Boukhârî dans son Sahîh, concernant le fait que ‘Oumar ibn Al- Khattâb a autorisé aux épouses du Prophète صلَّى اللهُ عليه وآله وسَلَّم d’accomplir le Hadj, lors du dernier Hadj que ‘Oumar avait accompli. Il a envoyé avec elles ‘Outhmâne ibn ‘Affâne et ‘Abd Ar-Rahmân ibn ‘Awf(6). Plus tard, après (la mort de) ‘Oumar ibn Al-Khattâb, ‘Outhmân, durant son califat, accomplissait aussi le pèlerinage avec elles. Cela constitue une preuve et un consensus au fait que la femme peut voyager en compagnie de femmes de confiance, car les Mères des croyants رضي اللهُ عنهنّ étaient au nombre de huit lors de leur voyage pour le Hadj. Ainsi, ‘Oumar, ‘Outhmân, ‘Abd Ar-Rahmân ibn ‘Awf et les femmes du Prophète صلَّى اللهُ عليه وآله وسَلَّم étaient d’accord sur ce point, sans qu’une autre personne parmi les Compagnons ne les eût contredits.
En conclusion, il est obligatoire que la femme en voyage soit accompagnée de son époux ou d’un Mahram qui peuvent tous deux être remplacés par une compagnie de confiance. Celle-ci peut être un groupe de femmes fiables, ou un groupe juste composé d’hommes et de femmes fiables. Cela est l’avis de la majorité des ulémas.
Également, puisqu’on peut affirmer, en se basant sur ce que l’on comprend des hadiths précédents, qu’il est interdit à la femme de voyager seule, la durée du vol et le fait qu’elle soit hébergée par sa famille n’ont, alors, aucun effet sur l’interdiction.
Quant au fait de résider dans un pays de mécréance, vous pouvez revoir l’article mensuel intitulé «Conseil pour celui qui réside dans un pays de mécréance» sur notre site Internet.
Le savoir parfait appartient à Allâh عزّ وجلّ, et notre dernière invocation est qu’Allâh, Seigneur des Mondes, soit Loué et que prière et salut soient sur notre Prophète Muhammad, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection.
Source : Ferkous.com
(1) Tout homme qu’il lui est absolument interdit d’épouser, à cause d’un lien de sang, d’alliance ou d’allaitement. (NDT).
(2) Rapporté par Al-Boukhârî (1862), d’après Ibn ‘Abbâs رضي اللهُ عنهما.
(3) Rapporté par : Al-Boukhârî (1864) et Mouslim (827), d’après Aboû Sa‘îd Al-Khoudrî رضي اللهُ عنه.
(4) Rapporté par : Al-Boukhârî (1088) et Mouslim (1339), d’après Aboû Hourayra رضي اللهُ عنه.
(5) Certains savants considèrent que la sécurité de la route est suffisante pour rendre licite le voyage de la femme seule. C’est le choix adopté par Ibn Taymiyya رحمه اللهُ comme l’a mentionné Ibn Mouflih dans Al-Fouroû‘ (3/177) en disant : «Toute femme en sécurité peut accomplir le pèlerinage en l’absence du Mahram.» Il a dit aussi : «Ceci concerne tout voyage effectué dans le but d’accomplir un acte d’obéissance…». Al-Karâbîşî l’a aussi rapporté d’Ach-Châfi‘î en ce qui concerne le pèlerinage surérogatoire. Certains de ses disciples ont dit que : «…celaconcerne le pèlerinage surérogatoire et tout voyage non obligatoire, comme pour rendre visite ou pour le commerce». C’est aussi ce qui est rapporté des ulémas appartenant à l’école dhahirite (école jurisprudentielle qui adopte l’interprétation littérale). [Cf. : Al-Mouhallâ d’Ibn Hazm (7/47)]
(6) Rapporté par Al-Boukhârî (1860), d’après Ibrahim, d’après son père, d’après son grand-père.