Les innovations et leurs causes

Sheikh Muhammad Nasiruddîn Al-Albânî

En effet, [il faut savoir que] tout acte d’adoration, pour être accepté par Allah le Très-Haut, doit forcément répondre aux deux conditions suivantes :

1. Qu’il soit voué sincèrement à Allah ;

2. Qu’il soit pieux (Sâlih), et une œuvre ne peut être pieuse que si elle est conforme à la Sunna du Prophète (e), et non en contradiction.

C’est une chose établie chez les savants qui se basent sur les preuves que quiconque prétend accomplir un acte d’adoration qui n’a pas été prescrit par notre Prophète (e) verbalement, ou qu’il n’a pas accompli lui-même pour adorer son Seigneur, est en contradiction avec sa Sunna, car la Sunna se divise en deux catégories :

1. Les actes qu’il faut faire ;

2. Les actes qu’il faut délaisser.

Délaisser ce que le Prophète (e) a délaissé parmi ces actes d’adoration fait partie de la Sunna.

Il n’est pas autorisé, par exemple, d’adorer Allah en faisant l’appel pour la prière de l’Aïd ou pour enterrer un mort, bien que ce soit une formule de rappel et une forme de vénération d’Allah – exalté et élévé soit-Il – tout simplement parce que le Prophète (e) ne l’a pas fait et que c’est la Sunna de ne pas le faire. Ses Compagnons, qu’Allah les agrée, l’ont compris ainsi et ils ont très souvent mis les gens en garde contre les innovations en général, comme on peut le trouver dans les livres qui traitent ce sujet.

A ce propos, Hudhayfa ibn ul-Yamân, qu’Allah l’agrée, a dit : « Tout acte d’adoration que les Compagnons du Messager d’Allah (e) n’ont pas fait, alors délaissez-le. »

De même, ‘Abdullah Ibn Mass’ûd, qu’Allah l’agrée, a dit : « Suivez [ceux qui vous ont précédés] et n’innovez pas, car ce que vous avez [reçu comme révélations] vous suffit, alors tenez-vous-en à l’ancien commandement [c’est-à-dire le Coran, la Sunna et les faits des Compagnons]. »

Bien heureux est celui à qui Allah a accordé de Lui vouer sincèrement ses actes d’adoration, et de se conformer à la Sunna du Prophète (e), et de ne pas y mêler des innovations. Qu’il se réjouisse car Allah le Tout-Puissant agréera ses actes d’obéissance et Il le fera rentrer dans son Paradis. Qu’Allah nous place parmi ceux qui ont entendu la parole [de vérité] et qui l’ont suivie de la meilleure manière.

Sachez que la cause de ces innovations remonte à plusieurs choses :

1. Les hadiths faibles (Dha’îf) qu’il est interdit de citer comme preuves, et d’attribuer au Prophète (e). Mon avis est qu’il est même interdit de les appliquer selon les arguments que j’ai avancés dans l’introduction de mon livre Sifatu Salât in-Nabî (e), et ceci est la position adoptée par un certain nombre de savants comme Ibn Taymiyya et d’autres.

2. Les hadiths forgés, inventés (Mawdhû’) ou sans origine (sans Isnâd), dont la faiblesse a échappé à l’attention de certains savants du Fiqh (Fuqahâ) et sur la base desquels ils ont établi des règles qui sont en substance des innovations dans la religion !

3. Les efforts d’interprétation émis par des savants du Fiqh – notamment des savants modernes – et les avis qui leur ont paru corrects, qu’ils n’ont pas pris la peine d’étayer par des preuves des textes révélés, mais plutôt qu’ils ont présentés comme des faits établis, jusqu’à ce qu’ils deviennent des Sunnas que les gens suivent !

Toute personne qui a des connaissances dans sa religion sait bien qu’il n’est pas permis de suivre ces choses-là, car il n’y a de Sharî’a que ce qu’Allah a prescrit. On peut encore admettre, pour celui qui voit certains actes comme corrects – à condition qu’il ait le niveau pour fournir un effort de recherche (Mujtahid) – qu’il a le droit, lui seulement, de mettre en pratique ce qu’il considère comme correct, et qu’Allah ne lui en tient pas rigueur. Quant au fait que les gens considèrent ces actes comme faisant partie de la religion et de la Sunna, [je dis] non, et encore non. Comment [pourrait-on admettre cela en effet] alors que certains de ces actes sont en contradiction avec les actes du Prophète (e), comme nous allons le montrer par la suite, si Allah le veut ?

4. Les habitudes (‘Âdât) et les superstitions (Khurafât) qui n’ont aucun fondement dans la religion, et que n’approuve pas la raison. [On ne tiendra aucun compte de cela] même si quelques ignorants les ont pratiquées et en ont fait leur loi, et même s’il existe des gens qui les soutiennent, ne serait-ce que dans une partie de leurs actes. [Peu importe aussi si ceux-là] prétendent faire partie des gens de science et se font passer pour tels.

Sachez aussi que la gravité de ces innovations varie : certaines sont des actes d’associationnisme (Shirk) et de la mécréance (Kufr) pure comme vous allez le constater, et d’autres sont d’un degré de gravité moindre. Cependant, il faut savoir que la moindre innovation que la personne puisse commettre dans la religion – aussi petite soit-elle – est interdite à partir du moment où il est devenu clair que c’est une innovation. Donc, il ne faut pas croire – comme certains le pensent – que certaines innovations font partie des choses détestables (Makrûh) seulement. Comment !… alors que le Prophète (e) a dit : « Toute innovation est égarement et tout égarement mène en Enfer », c’est-à-dire celui qui la commet.

L’imam Ash-Shâtibî a démontré cela de la meilleure manière dans son excellent ouvrage Al- I’tiçâm. L’innovation est donc une chose extrêmement grave et la plupart des gens n’en sont pas toujours conscients ; seul, un groupe parmi les savants sait cela. Il suffit comme preuve à cela la parole du Prophète (e) : « Allah a suspendu le repentir de tout innovateur, jusqu’à ce qu’il délaisse son innovation. »[1]

Enfin, je conclus en rapportant aux lecteurs le conseil d’un grand imam qui fait partie des plus grands savants musulmans anciens, cheikh Hassan ibn ‘Alî Al-Barbahârî (mort en l’an 329 de l’hégire). Il a suivi la voie de l’imam Ahmad (il a étudié chez ses élèves), qu’Allah le Très-Haut lui fasse miséricorde, et il a dit :

« Méfiez-vous des petites innovations, car les petites innovations se répètent jusqu’à ce qu’elles deviennent grandes. Et chaque innovation qui a été commise dans la communauté [des musulmans] était au début petite, et elle ressemblait à la vérité. Puis, celui qui s’est mis à la pratiquer fut trompé au point où il ne parvînt plus à s’en défaire, et l’innovation s’agrandit. Puis, les gens la considérèrent comme une religion qu’il faut pratiquer. Examine – qu’Allah te fasse miséricorde – tout ce que tu entends dire des gens de ton époque en particulier et ne t’empresse pas [de l’accepter], et n’accepte rien d’eux avant de t’être posé la question : est-ce qu’un des Compagnons du Prophète (e), ou un savant en a parlé ? Si tu en trouves trace [chez les Compagnons ou les savants], alors prends ce que tu a entendu, et tiens-t’en à cela sans dépasser [cette limite], et ne le délaisse pour rien d’autre, car tu tomberais en Enfer […]

Sache – qu’Allah te fasse miséricorde – que l’islam du musulman n’est complet que s’il suit [les textes révélés], y donne foi et s’y soumet. Celui qui prétend qu’il reste des choses de l’islam que les Compagnons de l’Envoyé d’Allah (e) ne nous ont pas montré de manière suffisante, les a traités de menteurs. Ce point suffit comme division [qu’il a créée entre eux et lui] et comme insultes [qu’il a proférées envers eux], et c’est un innovateur, un égaré, qui égare les gens avec lui et qui a inventé dans l’islam une chose qui n’en fait pas partie. »

Je dis (cheikh Al-Albânî) : « Qu’Allah fasse miséricorde à l’imam Mâlik, qui a dit : « Le succès des dernières générations ne s’obtiendra qu’à travers ce qui a fait le succès de la première génération de cette communauté. Ce qui ne faisait pas partie de la religion à cette époque-là n’en fait pas non plus partie aujourd’hui. »

Qu’Allah prie sur notre Prophète (e) qui a dit : « Je n’ai laissé aucune chose qui vous rapproche d’Allah sans vous enjoindre de l’accomplir, et je n’ai laissé aucune chose qui ne vous En éloigne, et qui vous rapproche du Feu, sans vous interdire de la faire. »

Et louange à Celui par Qui s’accomplissent les bienfaits.

[1] Rapporté par At-Tabarânî et Ad-Dhiyâ ul-Maqdissî dans Al-Ahâdîth ul-Mukhtâra, et d’autres avec une chaîne de rapporteurs authen­tique. Al-Mundhirî l’a qualifié de Hassan. Voir les réf. dans Silsilat ul-Ahâdîth is-Sahîha (1620).

Extrait des “Rites du Pèlerinage et de la ‘Umra” – (paru)

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